"Les immenses portes les dominaient de toute leur sombre majesté, leur donnant un aperçu de ce qui pouvait les attendre à l'intérieur de ce lieu maudit. Si ce passage était à la mesure des horreurs qui leur feraient face, alors l'affrontement serait titanesque... mais les Ecorcheurs étaient confiants, même pour ceux -en nombre non négligeable- qui n'avaient jamais arpenté les salles de la Citadelle du Cercle Noir.
Vohl, seule guerrière à ne pas porter leurs couleurs, entra au milieu des rangs serrés et rejoint à la hâte la première escouade. Le petit groupe avait déjà établi le contact avec les gardes, et même si les guerriers s'en sortaient bien il lui tardait de prouver sa valeur. Sa vaillance à rendre les coups que son bouclier détournait ne passa pas inaperçue au milieu des braves désireux de se distinguer en ce grand jour. Les suppôts du Cercle arrivant en renfort, alertés par les cris de guerre poussés joyeusement, virent les premiers des leurs tomber avec une aisance qui les fit hésiter et frémir. Ils furent braves pourtant, et la lutte fut acharnée, mais face à la soif de vaincre des mercenaires enragés ils ne purent que ralentir modérément leur course. En un rien de temps, ils firent face à la première menace sérieuse...
Le maitre des gargouilles, premier rempart d'une longue série d'adversaires terrifiants, était selon les rumeurs un formidable ennemi. Certains parmi les présents avaient pu vérifier ces dires, et rares parmi eux étaient ceux qui pouvaient se targuer d'en être sorti indemnes. Mais la détermination de chacun étaient renforcée par les ordres clairs et concis d'Uman. Son sens de la tactique évita de lourdes pertes au groupe, et chacun put se tenir au rôle qui lui fut confié. Les guerriers tinrent les créatures invoquées par leur ennemi en respect, laissant ainsi tout loisir aux mages et prêtres d'aider ceux que la magie menaçait de pétrifier. La victoire fut aisée, même si le maléfique Excorant leur garda pour la fin une surprise de taille. L'ignoble créature n'était pas seulement capable de contrôler ses créations... au fil de ses expériences, ce monstre avait acquis le pouvoir de devenir à leur image. L'intrépide équipée aurait bien put s'arrêter là si les mercenaires n'avaient pas été si bien préparés !
Une fois les quelques blessés remit sur pied par la magie des prêtres, ils reprirent leur avancée dans les sombres couloirs vers un lieu que ceux qui connaissaient leur prochain adversaire ne sous-estimaient nullement. Celui que l'on nomme le Dévoreur d'âmes leur barrait à présent la route, et les cris de joie furent vite remplacés par une sourde appréhension. Cet être immonde à la force démesurée faisait trembler jusqu'aux tréfonds de son antre de pierre lorsque la rage le prenait. Les consignes furent répétées, le rôle de chacun confirmé... et surtout, leur chef rappela aux braves que si la mort pouvait guetter certains d'entre-eux, la victoire leur apporterait gloire et honneur. Ainsi motivés, ils se lancèrent à l'assaut avec un bel entrain, et même s'il leur fallu par trois fois reculer pour se réorganiser, ils finirent par venir à bout de ce fabuleux adversaire.
Les prières et les soins furent plus longs et plus nombreux que lors de la première offensive, mais tous finirent par reprendre la marche vers leur dernier opposant. A présent les attendait Sabazios et sa horde d'infects reptiles. Certains parmi les mercenaires, tout à leur allégeance, massacrèrent les symboles du dieu serpent avec réticence, mais on dit la volonté des Ecorcheurs inébranlable lorsqu'ils se sont fixé un but, et ils le prouvèrent une nouvelle fois ! Beaucoup furent blessés, certains gravement... mais le seigneur de cette partie de la Citadelle tomba sous leurs coups acharnés, et les braves firent ce soir-là une fête de tous les diables !"
Le silence accueillit la fin du récit, avant qu'un ricanement moqueur ne finisse par le briser.
- Ouais, une fête comme celle dont t'espères profiter avec tes histoires à dormir debout !
D'autres rires se mêlèrent au premier, tandis que le conteur faisait face au tavernier qui lui servait un nouveau verre. L'auteur de la remarque s'avança, venant prendre place aux côtés de l'homme.
- Moi c'que j'crois, c'est qu'tu veux nous faire avaler qu't'y étais, ou qu't'as des amis chez les Ecorcheurs, tout ça pour boire à l'œil. Mais nous on les connait ces oiseaux-là, et c'est pas avec ta fable qu'tu vas nous faire croire qu'ils sont du genre à s'comporter en héros. C'est des bouchers, de foutus mercenaires sans foi ni loi !
Des murmures approbateurs se firent entendre, mais l'homme se contenta de hausser les épaules avant de vider son verre. Après l'avoir reposé sur le comptoir, il fit face à l'assemblée et les fixa un instant, son sourire serein et amusé les forçant au silence. Sans un mot, il prit la direction de la sortie sans prendre la peine de payer ses consommations. Nul ne s'interposa, surtout pas le tavernier, et les murmures furent lent à ressurgir...