Vohl

Obéis nous! Tu peut être une arme puissante alors même que tu doute. Ton savoir est grand, ton art subtil et fort. Et n'oublie jamais! Ta plus grande faiblesse te rend insignifiante sans pour autant diminuer tes pouvoirs. Alors n'hésite pas! Donne nous tout ce qui t'appartient, abandonne tes semblables. Notre besoin en adoration dépasse de loin leurs amitiés éphèmeres.

La magie peut être comparée à de la mélasse. Son odeur forte attire des myriades de moucherons avides et inconscients du danger. La plupart gravitent autour, s'ennivrant du parfum sans jamais oser trop s'approcher et gouter à la saveur de cette étrange substance. D'autres plus téméraires se retrouvent alors piegés. Leur servitude est douloureuse, sans cesse nourri, mais incapable de faire un mouvement. Une vie bien souvent trop brêve.
Contrairement à ces pitoyables insectes, l'Homme s'accroche encore. Ces êtres souvent pervertis signent sans hésiter des pactes odieux alors qu'ils sentent le trépas franchir le seuil de leurs demeures. Et ceux, encore plus rares qui sont entendus, finissent leurs existences comme des pantins, jouets des puissances à qui ils ont offert leur âme.
La magie trouve sa place dans n'importe quel coeur, elle s'accomode de toutes les formes et ne craint aucune transformations ni fantaisies. De l'antique nécromancie du défunt Achéron en passant par les sortilèges venimeux des prêtres de Set, les runes sanglantes des barbares du nord et les sacrifices humains des sauvages du Darfar. Elle suinte des ruines de villes au passé terrifiants, elle colle à la peau d'êtres maudits et sert de linceul à d'innomables créatures.

Nous répondons au nom de Set, Mitra, Gwahlur, Xotli, Bel, Ishtar... Et tant d'autres que ta raison à surement oubliée. Sans nous tu est une coquille vide. Appelle nous, nous répondrons. Comble nous et tu seras récompensée. Décois nous et tu connaîtras chaques fois une nouvelle définition du terme.. Douleur.
Tu nous appartiens.

La bordure nord ouest des monts Eiglophiens. Paysage chaotique, succession de pics déchiquetés surplombant des vallées encaissées. Le soleil du zénith fait briller la neige des hauteurs, leur donnant un aspect iréel. Le froid mordant ramène pourtant bien vite à la réalitée, le hurlement du vent résonne alors juqu'au fond des cavernes les plus profondes.
C'est au fond d'une de ces grottes crasseuses qu'une fille vient de naître. Son entrée est ornée de crânes grimacants. Des lances sont solidement attachées à des barricades d'os de mammouths et de grandes peaux tapissent son sol. Le repaire de l'une de ses nombreuses tribu cannibales. Celles qui harcèlent les habitants des contreforts des monts. Donnant lieu à nombre de sinistres histoires à leurs sujet.

Pour l'heure, le chaman de la tribu regarde le petit être s'agiter dans les bras de sa mère. C'est un géant, même parmis ses semblables. Son corps au muscles saillants et aux cicatrices indénombrables trahit une vie de meurtre et de sauvagerie. Il s'était battu contre quasiment tout ce que les montagnes pouvaient cacher. Il avait arpenté les plus hauts sommets et était revenu avec les coeurs gelés des géants qui les hantent. Il était ressorti vivant d'un noir scépulcre datant d'avant l'ère Hyborienne. Chaque fois il avait gagné encore un peu plus de respect, chaque fois il avait gagné un peu plus de pouvoir. Les rumeurs le disait capable de parler aux entités par dela l'espace et le temps. Les rares à s'être opposés avaient péris dans des circonstances épouvantables, leurs carcasses soigneusement évitées par leurs congénères d'habitude avides devant un nouveau festin.

Sous ses sourcils broussailleux, il observe l'enfant avec intérêt. Sa bouche s'agite imperceptiblement en une prière muette. Son esprit tisse inlassablement la toile qui va l'emprisonner. La petite le ressent, elle continue de s'agiter, fermement maintenue dans les bras de la mère. D'un claquement de doigts, un vieux sauvage s'approche, débris humain, tenant d'une main tremblante un coeur encore palpitant. Il le presse au dessus de la fille, déversant un flot rougeatre sur son frèle corps. Elle hurle de terreur mais il est trop tard. Le chaman s'approche d'elle, ses doigts dessinne patiemment des glyphes et arabesques étranges sur sa poitrine, les hurlements cessent alors dans un couinement étranglé.
L'arrachant alors aux bras de sa mère, il la tient devant son visage et lui murmure quelque chose à l'oreille. Les premiers mots qu'elle entendra.
- Toi leur appartenir!

Ton nom signifie esclave. Il provient d'une langue depuis longtemps oubliée. Une race d'Hommes du nord. Ils étaient fiers leurs moeurs sauvages et terrifiants. Tout cela tu le sais, mais ton corps refuse de l'admettre. Cette volonté inébranlable qui fait de toi la servante idéale.

La jeune fille apprenait vite, avec l'enthousiasme de l'élève douée mais turbulente. Sa tête résonnait autant de ce que son père pouvait lui raconter que des des coups de batons qu'elle subissait en cas de désobéissance. Le chaman passa de nombreuses années à lentement détruire toutes traces d'estime de soit. Ne l'encourageant pas, la punissant souvent. Lui faisant comprendre qu'elle n'aurait rien à attendre des Hommes. Qu'elle était insignifiante et bête. Elle vécu ainsi plusieurs années recluse, terrifiée par la vision de ses congénères qu'elle imaginait aussi cruels que son père.

Il lui apprit alors à ramper. Devenir une esclave servile qu'aucune tâche ou punission n'arrête. Elle était tantôt la victime, tantôt le bourreau et ce toujours sous le regard attentif de son père. Lui infligeant plus de souffrances à la moindre larme versée, l'exhortant à plus de sauvagerie quand elle tenait le couteau de sacrifice d'une main tremblante. Ainsi furent ses premières années, un tourbillon d'émotions et de sensations trop fortes pour êtres supportées par un simple humain. Chaque coups et blessures, chaque étreintes barbares... La rapprochant dangereusement de la folie pure.
Mais le chaman n'avait aucune envies de la tuer. A travers les voiles de cruautés il lui montrait son savoir gagné au fil des âges. L'art du dessin, la signification des symboles, les secrets des pierres. Il lui apprenait à tirer les visions d'avenir à partir de coeurs noircis, de la forme des nuages, du rugissement du vent dans les cavernes. A chaque fois elle écoutait puis reproduisait avec une perfection maniaque les faits et gestes de son géniteur. Chaque rituels, chaque prières.. Tout s'imprimait dans sa tête.
Il lui donna les clés pour trouver et asservir ceux qui murmurent aux mortels par dela le mur du sommeil. Il lui sussura les sombres incantations qu'il avait entendu dans des grottes depuis longtemps oubliées. Toujours elle excellait, désireuse de montrer ce qu'elle valait, a défaut de pouvoir vivre comme les autres. Lentement, son esprit érigeait un mur impénétrable.. Elle ne devait jamais ce souvenir.

Ainsi fut forgée Vohl. Les années ne semblaient pas vouloir altérer cette étrange femme. Son allure et sa carure tranchait nettement avec les sauvages qu'elle cotoyait. Elle, de taille moyenne, droite, les yeux d'un vert pâle, le corps mince mais musclé, le visage finement dessiné et sa peau étrange... Blanche sans aucune marques des nombreux combats qu'elle à menée. Eux, petits, trapus, le front bas, les jambes arquées et la démarche trainante.
Ils la regardaient encore avec envie, mais elle ne leur appartenait plus. Elle c'était taillée une solide réputation. Aussi sauvage que ses frères et soeurs, mais avec quelque chose de plus sinistre dans ses actes. Ses meurtres rituels étaient empreint d'un savoir antique vieux comme le monde. Ses repas devenait trop souvent des orgies grotesques... Et tout ce qu'elle touchait semblait maudit et souillé à jamais. Elle était arrivée au tournant de sa vie.. Quelques années plus tard c'est la tête tranchée de son père qui va lui offrir l'opportunité de quitter ce trou dans la terre.

L'automne touchait à sa fin. Loin dans le nord la une pluie fine et glaciale tombait depuis plusieurs jours. Dans cette partie du monde, bien trop proche des terres barbares, les habitants sont rares. Des steppes désolées s'étendent à perte de vue, quelques rares bosquets d'arbres et de longs et tortueux ruisseaux viennent rompre la monotonie du paysage. Cest donc sous une pluie battante que progresse une cinquantaine de silhouettes trapues, profitant du couvert des herbes hautes.
La saison avait été meurtrière dans les Eiglophiens. La petite tribu cannibale avait vu la quasi totalité de ses membres exterminés dans un raid éclair mené par des mercenaires. C'est pour éviter une mort certaine que le chaman de la tribu avait choisi l'exil. Selon ses dires, loin dans l'ouest existait une terre barbare, ou les tribus se livraient des guerres intestines, pillaient les frontières et ne se grelotaient pas de froid dans des grottes. Depuis plusieurs semaines ils progressaient rapidement à l'intérieur des terres, massacrant les rares civilisés qu'ils rencontraient dès que l'occasion se présentait.
Epuisés, les sauvages firent halte dans un bois touffu. Ils établirent un campement de fortune au milieux des arbres et se séparèrent en petits groupes pour chercher des vivres et des victimes potentielles.

Vohl et deux de ses frères étaient partis depuis plusieurs heures. Elle avancait d'un pas assuré au milieu des herbes, insouciante de pouvoir être repérée ou non. Les deux compères la regardait avec un expression mélée de crainte et de respect. Tous savaient de quoi elle était capable sur un coup de tête, ils étaient là autant pour la protéger que la surveiller.
Atirés par le bruit d'un cours d'eau, ils s'éloignèrent encore pour finalement l'atteindre quelques instants plus tard. Il s'étalait en parresseux méandres, découpant la plaine en formes arrondies.